1918, New Jersey, USA. Des femmes travaillent pour une entreprise qui fabrique des montres phosphorescentes à destination de l’armée américaine. Leur tâche est d’appliquer minutieusement la peinture au radium sur les chiffres du cadran. Avec Radium Girls, l’autrice Cy rend hommage à ces femmes sacrifiées au profit du bénéfice. Elles n’ont pas été mises au courant du danger du substrat. (bannière : © Éditions Glénat)
Des femmes lumineuses
Marie Curie et son mari Pierre, découvrent le radium à la fin du XIXe siècle. Utilisé tant pour la science que pour la médecine, la substance se fait une place dans la vie quotidienne grâce à son effet phosphoréscent très pratique pour lire l’heure dans le noir. Utile, mais dangereux pour celles dont la mission est de peindre les cadrans. Les premières pages de l’ouvrage nous explique le protocole, car l’objectif est de ne pas perdre une goutte de cette précieuse peinture qui coûte extrêmement cher. Pour cela, les femmes “lip” le pinceau afin de l’humidifier et de le lisser. Ensuite, elles prélèvent la peinture, “dip”. Puis, elles peignent, “paint”, le cadran. Un cérémonial dont la cadence doit être élevée : le rendement, il n’y a que ça.
Malgré un rythme de travail effréné, Grace, Mollie, Katherine, Edna, Quinta et Albina sont des femmes heureuses et épanouies, qui n’hésitent pas à sortir le soir dans les “speakeasy” [ndlr : bar clandestin américain durant la prohibition] afin de danser, boire et rire ensemble. L’identification est aisée : ces femmes pourraient être nos amies, nos mères, nos soeurs. Toutefois, elles sont différentes du reste de la foule puisque leurs bouches ainsi que leurs doigts brillent dans le noir. Elles en jouent pour leur plus grand plaisir, afin d’attirer les regards sur elles. Le radium leur vaut le surnom de “Ghost Girls”, un surnom qui déjà, dévoile leur destin tragique.

Des vies brisées
Le camaïeu de couleurs choisi par Cy est restreint, afin que “le radium soit figuré partout, dans chaque planche, de le mettre en avant comme la star funeste de cette histoire.”. Ainsi, les dessins sont dans des tons violets et bleu, couleurs qui se rapprochent le plus de celle du radium. Ce choix permet de donner à la fois vitalité au corps de ces femmes, dans la première partie de l’histoire, avant de signifier leur mort inéluctable. Le médecin de la firme leur met la puce à l’oreille, en leur conseillant de ne pas lisser le pinceau avec leur bouche, afin de ne pas ingérer de substrat. Quelle absurdité ! C’est ce qu’elles font à longueur de journée. La direction enterre l’affaire et leur rétorque : “vous pensez vraiment qu’on vous demanderait de faire ça si nous avions le moindre doute ?”. Le rendement au profit de la santé de ces ouvrières, quoi de mieux.
Cela commence par un mal de dent, puis Mollie est la première à mourir. S’ensuit un nombre effrayant de morts dans l’usine. Cy a voulu mettre en lumière ces femmes, qu’on a laissé mourir à petit feu et dans de grandes souffrances. Une douleur physique mais aussi morale, celle d’avoir été laissée pour compte et abandonnée car évidemment, la vie de petites ouvrières ne compte pas. Les survivantes entament un combat juridique contre l’entreprise. Des femmes contre un géant, qui gagnent et réussissent à faire voter des lois pour que les travailleur.euses américain.e.s.
Radium Girls, c’est aussi une histoire d’amitié, de femmes qui s’aiment et se soutiennent tout en étant différentes. De femmes libres de leur corps, qui portent des maillots de bain un peu trop courts aux yeux d’un policier. Une sororité comme on en a besoin, face aux rouages du capitalisme et du patriarcat.

Radium Girls, écrit et dessiné par Cy, publié aux éditions Glénat.
Vous pouvez aussi retrouver Cy au Lyon BD Festival à travers une exposition du 10 au 25 octobre sur Radium Girls ainsi qu’un concert dessiné le samedi 17 octobre ! (toutes les infos ici et ici)
Article rédigé par Candice Grousset