L’Animal imaginaire, nouvelle œuvre de Valère Novarina publiée début septembre aux éditions P.O.L, est présentée au TNP de Villeurbanne du jeudi 12 au samedi 21 décembre 2019. A travers des considérations métaphysiques multiples, la pièce prolonge le travail de l’artiste sur le langage et l’écriture. (bannière : © Pascal Victor)
Une pièce au-delà des mots …
De prime abord, la langue novarienne peut sembler assez obscure pour les profanes. Cassant les codes rigides du théâtre, l’auteur fait fi d’une intrigue bien huilée où dialogues et intentions sont limpides. C’est pourquoi les répliques et autres monologues ne sont pas à décortiquer comme un passage de Molière mais bel et bien dans la visée auctoriale pressentie. Petit conseil de la rédaction : afin d’apprécier au mieux les saveurs de cette écriture ne pas hésiter à lire quelques extraits de la pièce comme mise en bouche. Le théâtre novarinien fait partie de ces œuvres qui placent le spectateur vers un genre qu’il n’a pas forcément l’habitude de côtoyer ou d’apprécier. Cependant par ses particularités, et son originalité il permet de découvrir une nouvelle manière de concevoir et consommer du théâtre.
Ce qui fait la puissance de cette pièce ce sont bien les mots. Qu’ils existent déjà ou qu’ils soient une pure invention sortie tout droit de l’esprit de l’auteur, ils portent en eux cette touche insolite. A travers des jeux de langage enfantins et pointus à la fois, l’auteur questionne le médium qu’est le langage pour l’homme et la parole à travers lui. La parole est ici un moyen d’expression qui semble sans cesse remis en question par les différents personnages tels l’Écrituriste ou encore Raymond de la Matière. La pièce est bruyante par les mots mais aussi par les différents sons produits par les acteurs. Leur respiration, le bruit de leur corps mais aussi grâce aux différents objets qu’ils utilisent. Ainsi aux voix se mêlent la musique, le chant et la danse.

… jusqu’à l’épuisement des sens.
L’Animal imaginaire est un spectacle de théâtre certes mais il est aussi un spectacle stricto sensu pour tous nos sens. La vue est sollicitée dès le début de la pièce et même bien avant lors de l’entrée des spectateurs qui peuvent admirer sur scène des toiles géantes peintes par l’auteur lui-même.
Ces toiles et d’autres plus petites, tiennent ici le rôle de décor. Cependant il s’agit ici d’un décor vivant, exploité en profondeur par les acteurs, leur permettant de créer de la vie, du mouvement. L’ouïe quant à elle, est attirée par les voix claires et fortes des acteurs souvent accompagnées de l’accordéon de M. Christian Paccoud. De ce fait le discours devient chanson et les déplacements deviennent danse. Les acteurs sont eux aussi poussés à des extrêmes. La figure de l’acteur est ici remodelée par l’auteur grâce au langage et à la parole. En les voyant sur scène durant 2h50 de spectacle, on ne peut s’empêcher de voir de quelle manière les acteurs sont éprouvés une parole qui se fait longue, complexe et essoufflée. Le langage est donc vivant par la parole des acteurs mais aussi par le mouvement des corps qui n’est qu’une autre forme d’expression.
L’humour au service de la cause
Malgré la thématique sérieuse de la pièce, Novarina crée un spectacle hybride où l’humour prend une place toute particulière. Le texte est rendu tout particulièrement drôle grâce aux jeux de langage proposés par Novarina. Les inévitables néologismes de l’auteur et autres fantaisies linguistiques viennent renforcer un rire plus que présent. C’est dans le rire que l’on retrouve le plus de techniques héritées d’un théâtre plus classique. Le comique de geste est certainement celui qui transparait le plus dans la pièce, grâce à des personnages réalisant des gestes absurdes comme de l’eau renversée sur scène, des objets lancés à terre ou encore l’utilisation d’une marionnette qui n’est pas sans rappeler le théâtre d’un certain Guignol. Qui plus est, l’humour burlesque de la pièce a aussi cette force de faire accrocher un public multigénérationnel et culturel à une œuvre qui peut s’avérer complexe. Il est la touche de légèreté qui plaira sans aucun doute aux plus jeunes et ravira tout autant un public plus averti.

L’Animal imaginaire, la nouvelle œuvre jouissive de Valère Novarina, à ne rater sous aucun prétexte au TNP.
Article rédigé par Tess Guillot