Sélectionné pour le Prix du Roman des étudiants de France Culture et Télérama, GPS de Lucie Rico est un roman qui interroge notre société ultra-connectée. Avec des personnages complexes et une intrigue moderne, l’autrice questionne nos habitudes qui évoluent perpétuellement en fonction des nouvelles innovations.

Dès les premières pages, celle qui est mise en avant est l’usage du GPS qu’en font ses personnages : le jour des fiançailles de sa meilleure amie Sandrine, Ariane reçoit en effet le partage de sa localisation qui lui permet d’arriver à bon port. Le jour d’après, elle disparait sans laisser de trace, et seul le point rouge du GPS lui permet de la rattacher à Ariane qui ne cessera pas de le fixer…
Une narration atypique
Cette lecture est d’abord déroutante à cause du narrateur dont l’identité reste un mystère : dès les premières lignes, Lucie Rico plonge son lecteur dans le récit d’un.e inconnu.e qui s’affirme malgré tout comme un personnage à part entière. Il s’adresse directement à Ariane à la deuxième personne du singulier qui est omniprésente :
« Tes yeux sont arrimés à l’écran. Si tu les levais, ta respiration se couperait, et tu chuterais. »
Cette prise de parole en continue brouille non seulement le lecteur qui cherche à résoudre le mystère instauré par l’autrice, mais elle permet aussi de se sentir plus proche d’Ariane qui se plie à ce que la voix lui dicte. Peut-être que le GPS ne fait pas que de diriger son chemin, finalement…
Ariane, un personnage bloqué dans un monde en 2D
Dans GPS, tout débute par le portrait d’une femme au chômage : dans une société où le travail occupe une place majeure, que faire lorsqu’il nous est retiré ? A partir de là, Lucie Rico brosse le portrait d’Ariane, un personnage d’abord amputé de son prénom – et donc de son identité – sur les deux tiers du roman. Dès lors, nous ne savons que très peu d’éléments sur la vie d’Ariane, seulement qu’elle est obnubilée par les faits divers. Elle en écrit des rapports et s’amuse à modifier la réalité sans aucun scrupule :
« Alors, quand tu ne suis pas Sandrine prolongeant votre amitié, tu inventes des faits divers à partir de la carte. Tu ne fais que pousser la logique : tu t’inspires d’une image fixe capturée sur la carte au lieu d’un témoignage. Le GPS ouvre des possibilités infinies de contes »
Mais tout bascule lorsqu’elle se trouve elle-même frappée par l’un d’eux : la disparition de sa meilleure amie. Le point rouge de la localisation de Sandrine devient alors pour elle le fruit d’une obsession malsaine et laisse place à une atmosphère angoissante… Finalement, quelle place donne-t-on à la virtualité dans nos vies ?
La virtualité et le réel qui se confrontent
Bien plus qu’un simple thriller, GPS s’approprie une réflexion émergente sur le monde virtuel et le réel : n’arrivant pas à vivre dans une réalité autre que celle de Google Maps, Ariane trouve refuge dans les paysages numérisés. La frontière entre les deux mondes est alors bien marquée sans pour autant que l’autrice fasse une critique de l’usage d’internet. En effet, il lui permet ici de se remémorer des souvenirs avec Sandrine en l’aidant à explorer des lieux oubliés de son passé. Même si Lucie Rico ne positionne pas son récit, on observe toutefois que la virtualité dans laquelle est plongée Ariane ne constitue, en réalité, qu’un gouffre la noyant dans une désillusion totale…
« Tournez à droite »
En bref, GPS de Lucie Rico est un roman à lire, téléphone loin de soi ! 😊
GPS de Lucie Rico, Éditions P.O.L., 224 pages, 19€
MANON VIALET