La fascination du public envers les tueurs en série ne décroissant pas et Netflix étant déjà un vivier de documentaires sur le sujet, il n’est pas étonnant que le géant américain ait désiré commander une série centrée sur l’un d’eux : Jeffrey Dahmer, le cannibale de Milwaukee, avec à la barre le célèbre Ryan Murphy (créateur de la série American Horror Story), et en tête d’affiche Peter Evans.
Un duo qui tombe sous le sens, tant le réalisateur et l’acteur collaborent sur des créations horrifiques depuis de nombreuses années, et tant Evans a déjà montré à maintes reprises sa maîtrise à incarner des figures marginales.
Longue de dix épisodes d’à peu près une heure, cette mini-série a pour ambition de dresser un portrait exhaustif de l’un des tueurs en série les plus iconiques des années 90, responsable de la mort de dix-sept personnes, le célèbre Dahmer. Avec une narration dont la chronologie ne cesse d’aller et venir d’une période à l’autre, la série joue la carte d’une immersion totale, intimiste, et sans concession dans l’esprit de Dahmer.
Nous sommes à ses côtés et ceux de sa famille, vibrant à l’unisson quand arrive le moment pour le cannibale de Milwaukee de se repaître d’une nouvelle victime, et c’est avec un mélange de répulsion et de fascination morbide que l’on découvre son modus operandi. Un modus assez classique et rempli d’erreurs maladroites régulières qui n’auront gêné que trop tardivement le tueur, et pour cause : Dahmer était blanc et homosexuel. Entre l’incompétence des policiers à son égard et le manque de considération de certaines communautés ethniques, l’affaire Dahmer englobe davantage que ce qu’on croit : avec des victimes exclusivement de la communauté noire, toutes masculines et homosexuelles, ses meurtres ont eu une répercussion politique et sociale.
Au milieu de ce maelström de violence, la série offre parfois des moments de calme afin de mieux cerner les personnages ayant connu Dahmer, comme son père, incarné avec une telle maestria par Richard Jenkins qu’il en efface Evans et son Dahmer apathique.
Avec une approche aussi intimiste du personnage, on pourrait craindre qu’inconsciemment s’effectue une sorte de sacralisation du tueur en série, mais en vérité, c’est tout le contraire : la série Dahmer n’use d’aucun artifice pour remodeler l’icône de Dahmer, nous le laissant visible tel qu’il est, dans toute sa complexité. Ainsi, si l’on découvre qu’il avait une peur viscérale de l’abandon, imagée par une histoire de vortex, il reste surtout un personnage tourmenté, fasciné par les viscères, incompris par son père, et incapable de ressentir quelque chose pour l’autre.
Efficace de par sa réalisation contemplative, la mini-série dresse un portrait consistant d’un personnage dont les meurtres ne sont que rarement dévoilés, laissant l’horreur suggestive s’installer face à une surenchère gore voyeuriste. La série s’impose comme une création hybride, à la croisée entre fiction et documentaire, et mérite le coup d’œil.
Dahmer : Monstre – L’histoire de Jeffrey Dahmer (Monster: The Jeffrey Dahmer Story), de Ryan Murphy et Ian Brennan. Avec Evan Peters, Richard Jenkins, Penelope Ann Miller… Disponible sur Netflix.
MORGAN CHARLES