Ça y est, le Festival Lumière s’est clos, avec beaucoup d’émotions et de ferveur, accompagné des larmes du réalisateur Tim Burton qui aura fait vibrer tout un monde à la Halle Tony Garnier le 22 octobre dernier.
Tête d’affiche de l’évènement, le festival a été l’occasion de de re-découvrir toutes ses créations, aux côtés de celle du Français Louis Malle, mais aussi du réalisateur coréen Lee-Chang-Dong, ou même encore de James Gray ! C’est donc dans ce contexte de découvertes multiples que notre journaliste Morgan, accrédité lors du festival, a désiré vous partager ses coups de cœur, allant de Burton à Richard Fleischer.
Ed Wood, de Tim Burton (1994)
Alors au sommet de son art, Tim Burton désire se pencher sur la vie d’un autre réalisateur ayant subi les foudres et désillusions d’un Hollywood carnassier : Edward Wood Jr, considéré comme le pire réalisateur de tous les temps.
C’est donc une plongée biographique dans les méandres du cinéma américain des années 50 que le réalisateur désire nous faire effectuer, loin de ses exercices de style exclusivement gothiques et burlesques. Ici, le ton, qu’il soit visuel comme scénaristique, cherche plutôt à se calquer sur les créations de Ed Wood, à savoir de pures films de série B. En tête d’affiche, un Johnny Depp en pleine lancée qui interprète un Ed Wood candide, optimiste et rêveur, désireux de montrer qu’il peut lui aussi devenir un Orson Welles.
Sûrement le film le plus personnel de Tim Burton, et aussi l’un de ses plus brillants, tant il respire à la fois l’amour et l’incompréhension du milieu du cinéma.
Beetlejuice, de Tim Burton (1988)
Avant de signer chez Disney, le réalisateur Tim Burton signait déjà, avec son deuxième film, la synthèse parfaite du style burtonien, et montrait qu’avec un peu de folie et de passion, on pouvait créer de sublimes choses.
Le nom de cette gemme, c’est Beetlejuice, un film qui nous parle d’un jeune couple dont la mort soudaine les oblige à errer tels des fantômes dans leur ancienne maison, et dont l’arrivée impromptue d’une nouvelle famille horripilante va les amener à tout faire pour les faire décamper.
Comédie noire loufoque où s’y entrecroisent une Winona Ryder magnétique et un Micheal Keaton carburant au Desktop, Beetlejuice est une création déjantée rempli d’humour et d’idées visuelles intrigantes. Les musiques de Elfman sont parfaitement en phase avec l’aspect parfois cartoonesques des situations (on ne peut que penser à l’univers de Sam Raimi dans ses débuts), et aucun faux pas ne vient entacher un rythme parfait de 1h30, dont on se délecte de chaque instant, comme cette superbe scène de fin hallucinante.
Black Moon, de Louis Malle (1975)
Petit inconnu de la filmographie du discret Louis Malle (dont la reconnaissance populaire n’a su se pérenniser par rapport à un Truffaut ou un Godard), Black Moon s’inscrit dans une continuité à part, loin du huis clos introspectif comme My Dinner With Andre ou des escapades historiques comme Lacombe Lucien.
Pourtant, cette échappée surréaliste (qui rappelle beaucoup le Alice de Svankmajer ) dans laquelle désire nous amener le réalisateur, est une proposition unique en son genre dans le paysage cinématographique français. Cette succession de scènes sans réel sens, prenant cadre dans une maison abandonnée à une brume hivernale sans fin, est rythmée par cette étrange femme dont on ne sait rien, si ce n’est qu’elle entend des voix et semble halluciner en permanence.
Si tant est que vous soyez prêts à tenter l’expérience, Black Moon s’inscrit dans une démarche intrigante, comme si l’on regardait un Dali pendant 1h40: : une expérience avant tout sensitive, où la quête de sens n’est pas l’absolue vérité.
Burning, de Lee Chang-Dong (2018)
Burning fait partie de ces films à l’humeur volatile, totalement insaisissable et imperméable à une appréciation immédiate du spectateur. Il a besoin de d’abord réfléchir à ce qu’il a vu, à ce qu’il a compris, et à ce que le réalisateur, Lee Chang-Dong, a bien daigné vouloir nous faire comprendre.
Le film se lance d’emblée comme un thriller, avec son trio de personnages aux caractères bien différents : le timide Jongsu, livreur à temps partiel et agriculteur d’une ferme sur le déclin, Haemi, jeune femme solaire désireuse de liberté, et enfin le magnétique Ben, personnage au sourire glaçant à qui tout réussit.
Comme avec Peppermint Candy, Lee Chang-Dong dévoile un contexte social complexe au travers de sa galerie de personnages. Il dissémine des indices quant à sa conclusion, et laisse le spectateur libre du jugement à donner, avec un acte final puissant.
Peppermint Candy, de Lee Chang-Dong (2002)
Dans une envie de crever l’abcès sur l’état terrible de son pays dans les années 90, le réalisateur coréen Lee Chang-Dong dresse, à travers Peppermint Candy, un sombre tableau des vingt années d’un homme, et d’un pays.
Si tout semble commencer sous les meilleures augures, avec un pique-nique de retrouvailles entre anciens élèves, l’arrivée inattendue de Yongho met en branle leur bonne humeur. D’une humeur cynique et désabusée, il finit par attendre sur les rails l’arrivée du train salvateur, afin de mettre fin à ses souffrances. Le cheminement de la vie de cet homme fait alors marche arrière, à l’image de ces courts interscènes montrant un train filmé puis monté à l’envers. Dans son passé, se trouve la réponse du pourquoi et du comment, mais aussi et surtout une fresque émouvante d’une Corée mutilée, brisée par la crise économique, et en proie à des arrestations policières répressives.
Un film émouvant, dont certaines scènes résonnent entre elles avec un décalage intriguant, et dont la beauté des plans montre déjà le talent certain du réalisateur en termes techniques : Lee Chang-Dong sait conjuguer poésie et critique sociale pour nous montrer, à travers Peppermint Candy, deux chutes parallèles.
Sweeney Todd, le diabolique barbier de Fleet Street, de Tim Burton (2008)
La comédie musicale Sweeney Todd est considérée comme la dernière véritable création burtonienne. Cette comédie musicale gothique, qui nous narre la triste vie d’un ancien barbier au cœur du Londres du XIXème siècle, reflète assez bien l’une des dernières créations un tant soit peu inspirées du maître, avant de céder aux sirènes Disney.
Dans la pure lignée des récits gothiques façon Washington Irving, le film est empreint d’une noirceur baroque quand il nous dévoile une Londres nocturne grouillant de vermine et de sombres venelles. Une Londres dont la CGI, omniprésente dans les décors, laisse tout de même se dégager une certaine beauté picturale. Dans un ballet de couleurs des plus intenses, le rouge vif éclaire les visages de nos personnages esseulés tandis que le noir charbonneux les enserre dans leur danses macabres.
Sweeney Todd signe donc l’une des créations les plus intrigantes du maître, même si elle est sujet à diviser.
Le Voyage fantastique, de Richard Fleischer (1967)
Le thème du voyage à travers l’infiniment petit est, étonnamment, peu exploité dans l’industrie cinématographique, n’étant parsemé que par de très rares incursions, comme L’Aventure Intérieure, Chérie J’ai Rétréci les Gosses, Ant-Man…
Faute de moyens, ou d’un intérêt réel du public pour ces histoires à travers notre corps, nous devrons nous contenter de ces rares moments d’introspection, comme ici avec Le Voyage Fantastique, de Richard Fleischer.
Un film de 1966, dont l’aura d’une époque des effets spéciaux révolue plane encore autour, et à raison : le film tente, sans CGI aucune, de montrer l’intérieur du corps humain au travers de jeux de lumières astucieux et d’effets visuels fait mains. Les effets de réduction laissent un goût kitsch agréable, et nous font encore davantage apprécier le métrage.
Le Festival Lumière joue les prolongations jusqu’au 20 novembre à l’Institut Lumière ! Toutes les infos ICI 🙂
MORGAN CHARLES