Phil Tippett, ce dieu fou récompensé lors du festival Hallucinations Collectives

Phil Tippett ne sera sûrement qu’un éternel inconnu pour beaucoup de monde… et pourtant ! Imagine que cet homme est le responsable d’effets visuels derrière des titans de l’histoire du cinéma comme Star Wars IV et V, Indiana Jones et le Temple Maudit, Robocop, Willow et surtout Jurassic Park.

Le tableau étant dressé, parlons de l’année où tout a commencé : 1985. Après son Temple Maudit, Tippett commence alors à concevoir un projet personnel qu’il réalise tout seul dans son coin pendant quelques années… Jusqu’au choc de 1993 avec Jurassic Park, qui lui fait réaliser quelque chose : les effets numériques sont en train de mettre à l’amende la stop-motion et les effets visuels traditionnels, pour lesquels il s’est donné corps et âme depuis tant d’années. Le projet qu’il avait entamé est au bord de l’abandon.

Phil Tippett sur le tournage de Star Wars : Episode V – L’Empire contre-attaque | Copyright D.R.

Une relation se lie pourtant entre lui et le numérique, car au-delà d’avoir justement chapeauté le conception des dinosaures de Jurassic Park, il reste portant lié à ce monde qu’il déteste tant. Entre temps, des amis à lui découvrent les ébauches de son projet, et face au potentiel qu’il recèle, l’incitent à reprendre le travail !

Les année passent, et le projet prend, lentement mais sûrement, forme, de festival en kickstarter, de court-métrage en long-métrage…

Le nom de ce projet dingue ? Mad God

C’est ainsi qu’en 2022, moi, jeune critique de 24 ans, je me retrouve dans le cadre du festival lyonnais de cinéma Hallucinations Collectives à découvrir ce qui, je pense, n’aura jamais de véritable sortie nationale par chez nous. Après une trentaine d’années de gestation, la création en stop motion délirante de Phil Tippett est enfin là, et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’elle laisse coi.

Visuellement, les 1h20 de métrage sont un enchaînement de tours de force techniques hallucinants, qui laisse imaginer les milliers d’heures de travail derrière certains séquences. Tippett n’y va pas avec le dos de la cuillère pour donner vie et corps à un univers pour le moins singulier, peuplé d’êtres difformes et de calamités sataniques.

L’aliénation totale du corps et de l’esprit est la thématique clé qui transpire tout du long, mettant notre mental à rude épreuve durant des séquences parfois suffocantes, où s’alterne fluides corporels et hurlements dissonants infernaux. Sans être affublé d’un scénario concret, un voyageur descend dans les bas fonds d’une humanité agonisante et oppressée en quête d’un lieu mystérieux. Son aventure le mènera en des lieux pour lesquels il n’existe aucun terme pour désigner l’horreur qui s’y perpétue.

Dans un élan de création cathartique, Tippett délivre une vision cataclysmique et cyclique de la déchéance humaine, avec pour arme une maîtrise absolue de la stop motion. Autant dans la fluidité que dans la variété de plans, ainsi que dans l’usage d’autres techniques filmiques, le réalisateur offre ici une création à la croisée des genres, entre post-apo, body horror, expérimental.

Mais aussi un patchwork d’influences diverses et variées, allant du cinéma de Terry Gilliam jusqu’à l’art érotico-mécanique de H.R Giger, puis des œuvres des Frères Quay jusqu’à la démesure d’un Jodorowsky.

Un retour sur le devant de la scène que l’on salue avec plaisir, même face à une œuvre aussi improbable et explosive qui a remporté le Prix du Jury lors de l’édition 2022 des Hallucinations Collectives.

MORGAN CHARLES

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