On a découvert les nouvelles expos du Musée d’Art Contemporain de Lyon et on a adoré !

Le 10 février dernier, deux journalistes en herbe de l’Envolée Culturelle ont pu participer à une visite en avant-première des nouvelles expositions du Musée d’Art Contemporain de Lyon. Ce fut la rencontre d’artistes engagés, certains pour des sujets qui nous touchent tous, d’autres qui nous laissent entrer dans leur intimité et qui utilisent l’art pour nous partager leur histoire.

Posth-Kohler ou le questionnement du « théâtre social »

Après une brève présentation des artistes, nous découvrons David Posth-Kohler, qui utilise le corps comme premier matériau à la création d’une œuvre. Notre premier réflexe est d’essayer de comprendre le sens de ces objets qui nous entourent, certains pendus au bout d’un fil, d’autres peints sur une boite, des murs. Ici, ce n’est pas la défense d’une cause, mais bien des interrogations que l’artiste souhaite susciter. Alors nous nous interrogeons, sur ce « théâtre social » qu’il nous décrit, sur ce que l’on considère comme normal et normé. C’est une exposition où rien ne semble avoir de sens et pourtant, cette interprétation est bien celle d’un esprit qui ne base son jugement que sur ce que l’on considère « normal ». Ode à la liberté ? En tout cas, Posth-Kohler réussit son pari : nous sortons de là en interrogeant le monde !

Rouge comme Révoltées

Arrivés au troisième étage du musée, nous sommes invités à entrer dans un amphithéâtre en bois où s’alignent à divers hauteurs des molosses faméliques peints en rouge, le tout sur un fond de violons et de mots prononcés dans divers langues. Pour autant, face à ce public hargneux, notre regard se porte surtout vers le personnage au centre de cette scène visuellement singulière, qui arbore une tenue d’un rouge flamboyant et faisant signe avec ses mains dévoilant en jeu d’ombres… une tête de chien.

Ce personnage, c’est Sophie, l’alter ego de l’artiste sud-africaine Mary Sibande. Toute de rouge vêtue, elle symbolise le nouveau cap franchi par l’artiste dans sa réflexion autour de la situation des femmes sud-africaines dans un contexte post-apartheid. Ayant d’abord été drapée de bleu, symbole d’une condition servile et d’un esprit rêveur vers d’autres possibles, elle évoluera ensuite vers un violet développant l’esprit de mutation, tiraillée entre esprit de révolte et majesté d’un nouveau pouvoir acquis. Ce rouge, omniprésent dans l’amphithéâtre, est donc un message vibrant lancé par Sibande à toutes les femmes sud-africaines. Un message empreint de frustration et de rage face à une situation économique dégradée et un contexte politique désastreux, montrant bel et bien que même si l’apartheid nous semble loin, il reste encore ancré et présent dans de nombreuses personnes.

L’installation, prise en charge par le commissaire d’exposition Mathieu Lelièvre, aura demandé un travail à distance total dû à un contexte pandémique désormais bien connu, et montre ici l’une des premières installations de grande ampleur du travail de Mary Sibande, qui n’en est pourtant pas à sa première exposition. Tout de bois recyclé, cet amphithéâtre dévoile en parallèle un travail de lumière et de sonorité qui, le tout combiné, offre une immersion totale dans un maelström de rage et de fureur, à la mesure de ce que ressent depuis toujours Mary Sibande. 

Un bout de chemin avec Little Odyssey

Une exposition d’art contemporain spécialement dédiée aux enfants de 0 à 11 ans ? Si le projet peut faire sourire, la tâche est pourtant plus complexe que l’on ne le pense. En témoigne cette Little Odyssey qui, au travers de diverses pièces explorant les sens et les facultés de perception enfantines, cherche à offrir une expérience loin d’être réductrice, au contraire ! Cette réflexion, fruit d’une collaboration entre six étudiants en Master Médiations culturelles et Numériques à Lyon 3, un comité scientifique et Francoise Lonardoni, responsable du service culturel du MAC, incite avant tout à l’exploration.

L’exploration des sens que l’on développe durant cette tranche d’âge charnière avant l’adolescence est ici mise en avant par une interaction totale et variée avec chaque œuvre. Les panneaux en bois de l’artiste Erwin Wurm offriront la possibilité de dessiner dessus, tandis que A Piece For Charlotte de l’artiste Joe Jones offrira surtout une expérience auditive unique et aléatoire à chaque visiteur. Chaque œuvre, sélectionnée par les étudiants et le MAC, sont le fruit d’une réflexion à l’échelle de l’enfant, non pas dans l’objectif de créer une exposition POUR les enfants, mais bien SUR les enfants !

Mejri : un désordre qui fait sens

Enfin, si Thameur Mejri est percutant, ce n’est non pas parce qu’il décrit la société tunisienne sous le prisme des événements d’Irak en 2003 et du Printemps Arabe en 2010, mais parce qu’il peint ses émotions, sans aucun filtre. Il superpose les objets, les couleurs et illustre le paradoxe humain. Là où l’artiste se distingue, c’est que son art déclenche en nous différents sentiments qui dépendent beaucoup de ce qui va attirer notre regard et, entre autres, de ce qui nous permet de nous reconnaître. Le désordre est là et nous essayons de faire des liens entre chaque signe pour comprendre l’histoire de Mejri.

Alors il y a la déstructuration des corps, les contrastes et surtout ce trop plein d’informations divergentes qui paraissent n’avoir aucune logique, et pourtant : ses tableaux sont universels. Ils clament tous d’une voix étrange, un peu à la manière de ses premières créations vidéos à mi-chemin entre Videodrome de Cronenberg et un found-footage façon Blairwitch Project, que la destruction de la sphère privée est quelque chose d’indescriptible, un peu comme les corps de Mejri. 

Ces expositions sont à découvrir du 11 février jusqu’au 10 juillet 2022 au Musée d’Art Contemporain de Lyon !

CÉLIA CAROLA & MORGAN CHARLES