« Les images sont vivantes » : voilà comment Gérard Paris-Clavel nous invite à entrer dans son univers, temporairement inscrit entre les murs du Musée de l’Imprimerie et de la Communication Graphique, à Lyon.
Dénonciation de la bêtise humaine ou simple énumération des faits ? Les œuvres de l’exposition parlent d’elles-mêmes.

De l’égalité(e) homme-femme aux images d’un petit garçon victime de la famine, notre humanité est mise à rude épreuve. Paris-Clavel perturbe pour questionner, assemble les mots aux images pour affirmer sa vision de la réalité. La manière dont une œuvre est perçue dépend toujours de nous, mais il est difficile de sortir du musée sans être convaincu que le monde est bourré d’inégalités, et que chacune d’entre elles construit le monde de demain, dans le silence et l’indifférence la plus totale. Car oui, c’est bien cela que semble décrire le graphiste, avec deux horloges dont les aiguilles bougent l’une après l’autre, telle une pendule : “Les médias veillent, dormez citoyens”.
Cette expo, c’est un peu entrer dans une boîte qui nous extirpe de notre confort quotidien, où beaucoup de ce que nous voudrions ignorer et oublier est recensé. Attirée par les couleurs vives et les grandes illustrations, j’avance dans ces pièces qui dépeignent une biographie du monde dépassée et pourtant encore d’actualité. Des photos de manifestants attirent mon regard: ils tiennent dans leurs mains les mêmes affiches qui sont disposées ici comme des œuvres d’art. Elles ne recherchent pas la beauté mais délivrent un discours engagé: celui des hommes et des femmes qui les ont utilisées pour défendre leurs droits et leurs libertés.

On se sent alors tout petit, on se souvient qu’on est pas seuls au monde, que notre luxe coûte des vies et que l’humanité est l’unique responsable de ce qui naît, meurt, persiste ou dépérit. C’est cette partie de l’actualité qu’il montre, celle que l’on efface pour continuer la quête d’un bonheur qu’il faut acheter pour exister.
L’histoire se répète continuellement, les combats sont les mêmes et le besoin de vivre dans un monde juste et libre se ressent à chaque pas. Car si cette exposition met l’accent sur les points noirs de notre société, ils s’accompagnent à chaque fois d’œuvres en couleurs, et par définition, d’espoir.
Si l’homme est capable du pire, il est aussi capable de le reconnaître et de le déconstruire. Pour cela, quoi de mieux que de faire appel à des enfants qui décrivent ce qu’ils voient ou aimeraient voir: “pauvreté”, “contre la guerre”. Ceux qu’on définit habituellement par “l’innocence” abordent l’actualité avec bien plus de considération que la majorité d’entre nous, et cela résonne en nous comme un crève-cœur.
Utiliser les codes de la publicité pour la dénoncer, tourner en dérision certaines images, chercher l’humour, privilégier le sarcasme… Paris-Clavel ne fait pas de longs discours sur l’absurdité du monde. Néanmoins, son travail est suffisant pour que le public occidental, puisque c’est bien à celui là qu’il s’adresse, ait envie de remettre en question cette société et la direction qu’elle prend.

Alors oui, l’exposition manifestation porte bien son nom, puisqu’elle énumère de nombreux problèmes sociaux auxquels nous devons faire face. Pourtant, elle est loin d’être pessimiste, et dépeint sur différents supports la complexité humaine. Comme il le souhaitait, Paris-Clavel “génère de la parole”, et c’est en cela que ce qu’il expose est intemporel, puisque désormais c’est à nous, citoyens du monde, d’ “inventer le présent”.
Exposition “Avec” jusqu’au 27 février au Musée de l’Imprimerie à Lyon.
CÉLIA CAROLA