L’irrésistible appel des sommets

Un sommet ? Des dieux ? Ce film parle-t-il du mont Olympe en s’adressant aux adeptes de mythologie ? Non ! Mais il est en effet question de performances… olympiques !

Joignez-vous à la quête du journaliste-alpiniste Fukamachi Makoto dans les monts du Népal et du Japon pour retrouver un célèbre appareil photo qui pourrait bien résoudre un mystère insolvable depuis des années ! Rencontrez des alpinistes passionnés et ambitieux en tentant de comprendre les motivations qui les poussent à vouloir grimper toujours plus haut et à se surpasser en permanence. Visionnez Le Sommet des Dieux et profitez du spectacle qu’est ce chef d’œuvre !

Dimanche 23 janvier, une amie et moi sommes allées visionner Le Sommet des Dieux au cinéma de Bron Les Alizés. J’avais pu préalablement feuilleter le manga dont cet animé est l’adaptation. Je ne l’avais pas vraiment lu, mais j’y avais jeté un œil, histoire de me donner l’eau à la bouche pour aller voir le film au cinéma. Il faut dire qu’il ne s’agit pas d’un manga qu’on a l’habitude de lire rapidement en bibliothèque. En effet, on parle ici d’un bébé qui rassemble cinq volumes, donc il s’agit d’un bon pavé.

Copyright Wild Bunch Distribution

Le Sommet des Dieux, « Kamigami no itadaki » pour les otakus, est donc un long métrage d’animation adapté du manga de Jirô Taniguchi, qui est lui-même tiré du roman de Yumemakura Baku : pour vous dire combien cela fait succès au Japon ! Mais ce seinen n’est pas uniquement connu chez nos amis nippons car la série en cinq tomes a été publiée par les éditions françaises Kana dès 2004, soit trois ans après que les Japonais puissent la lire dans un mensuel : le Business Jump (éditions Shūeisha). Le manga a été récompensé par de nombreux prix dans les deux pays. Il faut savoir que le roman de Yumemakaru avait déjà été adapté en film live au Japon en mars 2016, avec Hideyuki Hirayama à la réalisation. Le projet français d’une adaptation en film d’animation date de 2015 mais, petite anecdote : le long métrage se voulait originellement en images de synthèses. Ce n’est que plus tard que l’idée a été modifiée et que les studios Folivari et Julianne Films se sont lancés dans la réalisation d’un film d’animation ayant un rendu de dessin animé.

Je préfère personnellement cette dernière forme, car j’ai de nombreuses fois été déçue par le rendu des films en images de synthèse. Étant, de plus, une fan inconditionnelle des mangas et des animés, j’ai toujours eu plus d’attrait pour ce genre de film d’animation.

C’est finalement le 22 septembre 2021 que le film est sorti dans les salles françaises.

Bon, tout ça c’est bien beau, mais de quoi ça parle ?

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C’est l’histoire du journaliste-alpiniste Fukamachi Makoto qui, alors qu’il accompagnait une expédition japonaise dans l’Himalaya en juin 1993, pense avoir mis la main sur une relique de l’alpinisme qui pourrait lui valoir un scoop et surtout élucider un mystère : l’appareil photo de George Mallory, disparu dans l’Everest en 1924. Cet objet l’obsède car si la pellicule était développée, on pourrait savoir jusqu’où Mallory est allé dans son ascension, et ainsi si lui et Andrew Irvine ont été les premiers à avoir atteint le sommet du mont Everest. Le jeune photographe se lance dans une enquête pour retrouver celui qui détient le fameux appareil photo de Mallory, le Kodak Vest Pocket. Il s’obstine ainsi à reconstituer le passé et à partir à la recherche de Habu Jôji, un extraordinaire grimpeur au tempérament bien trempé qui ne donne plus aucun signe de vie depuis quelques années. Préparerait-il un projet en douce ? En effet, Habu s’entraîne secrètement pour un objectif bien précis, et donne donc beaucoup de fil à retordre à Makoto qui se lance sur sa piste. Grâce aux recherches du journaliste qui tente de savoir où l’alpiniste a bien pu se cacher, on en apprend également sur le célèbre rival de Habu : Hase Tsuneo, qui a lui aussi une carrière impressionnante et un palmarès incroyable.

On a donc plusieurs histoires réunies en un même film. En effet, l’intrigue principale tourne autour de la quête de Makoto pour retrouver l’appareil photo de Mallory afin d’élucider un mystère de l’alpinisme encore jamais résolu. Ainsi, c’est bien autour du destin et de l’aventure de cette légende de l’alpinisme, George Mallory, que s’articule ce récit. Mais parallèlement, on découvre la vie passionnée de Habu Jôji, un homme qui force l’admiration et qui est véritablement obsédé par l’alpinisme. On fait également la rencontre de nombreux autres personnages, animés par la fougue de la jeunesse, qui n’échouent pas à nous transmettre de multiples émotions et à nous faire vivre des aventures pleines de sentiments.

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En 1h34, le film nous fait voyager entre le Japon et le Népal, et nous emmène même pour quelques flashbacks dans les Alpes (c’est quand même un film français aha !). Cette œuvre propose donc, en plus d’un scénario brillamment construit, l’expérience d’une épopée à travers des paysages magnifiques.

Il ne faut pas oublier les belles musiques qui accompagnent à merveille ce chef-d’œuvre et qui contribuent à nous plonger dans cette agréable ambiance japonaise détendue, tout en sachant s’adapter aux moments où l’intrigue se complexifie, où les tensions se développent et où la pression monte…

C’est aussi cela que j’ai particulièrement adoré avec ce film : il nous fait vivre tout un tas d’émotions. De l’émerveillement face à un magnifique paysage accompagné d’une musique mélodieuse, à l’admiration pour ces personnes obstinées qui repoussent leurs limites en grimpant toujours plus haut et dans des conditions toujours plus difficiles, en passant par une profonde tristesse à la mort de certains personnages, et par la frustration et la colère lorsque certains protagonistes éprouvent des difficultés à atteindre leurs objectifs, ce film est un shoot de sentiments qui nous fait même passer par l’excitation en transmettant une vague de motivation : il n’est pas impossible qu’à certains passages du film, vous ayez envie de sortir grimper un petit K2 histoire de vous défouler les gambettes.

À ce sujet, je trouve que ce film est également très intéressant car il nous amène à réfléchir aux raisons profondes qui poussent les alpinistes à aller au-delà des limites physiques de l’être humain, et plus généralement celles qui amènent de nombreux sportifs à se dépasser, à franchir leurs capacités, à faire preuve d’un mental d’acier et d’une volonté de fer pour toujours faire mieux, plus dur, plus fort.

On comprend également le mécanisme qui peut se mettre en œuvre lorsqu’on découvre une personne qui attire notre attention et qu’on s’éprend littéralement d’elle en faisant des heures et des heures de recherche à son sujet, et peut-être pas jusqu’à aller au pied de l’Everest comme pour Makoto, mais à nous informer sur elle d’une manière qui, ne nous le cachons pas, est plutôt flippante. L’enquête de Makoto réveillera l’âme de stalker qui sommeille en vous, j’en suis certaine.

Le Sommet des Dieux, de Patrick Imbert, a connu un beau succès en salles (plus de 200 000 tickets vendus) et est nommé pour le César 2022 du meilleur long métrage d’animation.

LOUISE HARTMANN