« Un hamster à l’école » : roue sans issue

Pour un.e futur.e prof, il s’agissait certainement de l’une des parutions les plus attendues mais peut-être aussi l’une des plus redoutées de ce début d’année : le dernier livre de Nathalie Quintane, Un hamster à l’école, publié aux éditions La Fabrique, porte un regard sans équivoque sur une vie passée des deux côtés de la salle de classe. On ne sait plus si l’on doit rire, pleurer, ou partir en courant. (Bannière : Collage effectué lors de la manifestation étudiante du 21 janvier 2021 © Collages Féministes Lyon)

L’autrice Nathalie Quintane © Bamberger P.O.I.

D’une cage à l’autre

Le livre débute par le franchissement d’une frontière, la butte Pinson, qui sépare le 93 du 95. « C’était pas une colline. C’était une petite butte », mais le passage de l’autre côté de cette « petite butte » de rien du tout fait l’effet d’un choc. Élève brillante d’un côté, elle devient « nulle » de l’autre. Dans Un hamster à l’école, tout est une question de seuils, de seuils brutaux qui fissurent toujours un peu plus l’image idéale que les plus optimistes d’entre nous se font de l’école.

Tout est aussi une question d’enfermement. Enfermement dans des salles froides, parfois décrépites, qui chaque jour posent un défi : « loger de la vie dans un ensemble mort ». Enfermement dans des routines, dans une perpétuelle répétition du même qui finit par ne plus avoir de sens. Enfermement, quand on est prof, dans une identité de prof : que ce soit à la piscine, à un repas entre ami.e.s, ou dans son canapé, quand on est prof, on est toujours prof, rien d’autre que prof. Enfermement des élèves dans le mutisme après le premier confinement. Enfermement dans les petites cases étriquées de l’emploi du temps. Les jeux de répétitions et les situations parfois absurdes font d’abord sourire, rire parfois. Mais le rire s’étouffe d’un coup. L’angoisse prend le dessus.

 © La Fabrique Editions

Évaluer, surveiller, punir

Au fil des anecdotes, une autre constante se dessine : l’omniprésence de la note, l’obsession de l’« évaluation ». Elle contamine toutes les strates de l’école, même au-delà – « Le pays France lui-même est noté », remarque l’autrice – et oblige à l’obtention de résultats. L’école est soumise à la productivité, comme une entreprise. Ce qui est délétère, pour tout le monde. Et la néo-libéralisation de l’école a pour corollaire une surveillance généralisée : contrôle de l’absentéisme, invention pour les enseignants d’un « devoir de réserve » – qui n’est même pas inscrit dans la loi, apprend-t-on ! On en arrive à un point où l’école devient un dispositif panoptique, dans lequel on se sent surveillé.e en permanence, au point de devenir son.sa propre surveillant.e. Nathalie Quintane l’exprime ainsi, au sujet de l’inspection : « que l’inspecteur soit physiquement présent ou pas, il est là, toujours un peu dans ma tête, à vérifier que je suis dans les clous ». Finalement, si on décide de sortir de sa roue de hamster, grâce à laquelle on ne remarque pas les rouages de l’institution, on se retrouve… en prison.

L’une des grandes questions que pose Un hamster à l’école, celle qui fait le plus mal peut-être, est celle-ci : l’école n’est-elle pas répressive ? Émanant du même État que celui qui est responsable des violences policières, peut-elle faire exception ? Cette question provoque, chez le.la futur.e prof qui lit ce livre, une sorte de vertige : « Comment est-ce que je peux [souhaiter] être le fonctionnaire de cet État-là ? »

Un hamster à l’école, de Nathalie Quintane, aux Éditions La Fabrique (janvier 2021).

Article rédigé par Alice Boucherie.

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