Que reste-t-il de nos amours ?

Il y a celles qui ont pu vivre, qui se sont développées, auxquelles on repense avec un brin de mélancolie, mais aussi et surtout, la franche certitude qu’il valait mieux s’arrêter là.  Et puis, il y a ce genre d’histoire indéfinissable qui restent en travers du cœur faute d’avoir pu les éprouver avec le corps. Dans son premier film Fantasme, l’autrice, réalisatrice et comédienne Eléonore Costes nous plonge dans des tourments universels avec justesse et douceur. (bannière : © Portrait Robot)

Prise de vitesse (poésie, plan séquence, dialogue, jeu)
Après être rentrée dans la voiture d’Arno avec son vélo, Vic se réveille dans un lit d’hôpital la jambe immobilisée. Elle a eu de la chance, ça aurait pu être pire. A sa gauche, un cosmonaute anonyme, patient, immobile. Un fantôme qui refait surface dans la vie de Vic, vestige d’une rencontre faite 4 ans auparavant avec Gabriel. Le film fonctionne en aller-retours entre la convalescence de Vic et la soirée de la rencontre. 4 ans séparent donc les deux moments. Une différence de temporalité et d’état d’esprit marqué à la réalisation par un changement radical de forme. Les passages de flash-back sont en effet découpés en plusieurs plans séquences qui viennent suspendre le temps. Nous plongeons ainsi dans un parcours onirique et contemplatif avec les deux protagonistes pour appréhender en même temps qu’eux tous les enjeux de cette rencontre hors du cadre et des injonctions de la ville qui leur appartient, le temps d’une nuit. Ces longues discussions en plan-séquence ne sont pas étrangères à la l’autrice/réalisatrice puisque sa série Genre Humaine également disponible intégralement sur Youtube reposait déjà elle aussi sur ce principe. Que ce soit dans Genre Humaine ou dans Fantasme, il y a une délicieuse étrangeté à écouter ces personnages dialoguer dans un jeu de ping-pong remarquable sans que le montage ne les interrompent. Ils sont, pour ce court moment, en pleine maîtrise de leur temps.

Et si ?
Et si c’était ça, qui manquait à Vic ? Et si cette soirée passée à refaire le monde avec ce garçon n’était que le fruit de son imagination ? Et si, plus que lui, c’était l’idée de lui qui l’empêche d’avancer ? Coincée sur son lit d’hôpital, elle est obligée de ralentir et finalement d’affronter ce fantôme cosmique qui la retient en arrière. Et elle ne sera pas seule. Avec l’aide de quelques bras affectueux, elle se remet debout, parce que le problème est accepté, alors ce n’est plus qu’une question de temps avant qu’il ne parte. Et nous, spectateur.ice, on ne peut que regarder autour de nous, chercher dans la pièce, vérifier partout, au cas où quelqu’un serait rentré en tenue spatiale sans qu’on s’en rende vraiment compte. Dans la longue quête vers le monde des adultes, il n’est pas rare qu’on se retourne. Voir le chemin parcouru ne suffit pas toujours à cacher le nombre de portes que nous avons fermées en ouvrant celle qu’on pense être la bonne. Avec Fantasme, Eleonore Costes touche du bout de la caméra l’indescriptible de ce sentiment. Et sur ce coup-là, c’est nous qui avons de la chance.

Retrouvez Fantasme sur YouTube juste ici
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Article rédigé par Ambre Bouillot

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