Hallali, une traque haletante

Claire Malary, lauréate du prix Artémisia de la BD féminine 2019, publiée aux Editions L’Oeuf, nous propose un album sans bulles mais particulièrement évocateur nommé Hallali. Le.la lecteur.ice devient le.la chasseur.se à la recherche de cet hallali, ce cri qui annonce la victoire du chasseur ou la mise à mort du gibier… (Bannière : Hallali, Claire Malary © Editions L’Oeuf)

Une double traque

Hallali, Claire Malary © Editions L’Oeuf

L’ouvrage se construit autour de deux figures, un homme et une femme. Tous deux sont chasseurs et chassés. L’un chasse une biche avant d’être chassé par des loups qui veulent lui voler son gibier. L’autre chasse sa liberté après s’être enfuie d’un bâtiment tout en étant pourchassée par deux hommes, vraisemblablement les gardiens du lieu. À l’exception du thème de la chasse, tout oppose ces deux personnages. Les scènes de la femme sont en couleurs tandis que celles de l’homme sont en noir en blanc et les traits paraissent plus agressifs et saillants. Le dessin sombre semble souligner la violence de la traque, le côté haletant et inéluctable. Dans la partie colorée, la jeune femme porte une robe bleue à rayures blanches très vives qui ne passent pas inaperçues dans une forêt, faisant d’elle une cible facile à localiser. Entre le côté voyant de la femme et les traits aiguisés qui entourent l’homme, on comprend bien que leur fuite sera soit vaine, soit fort compliquée. Pas besoin de texte pour rendre dynamique le récit : l’irrégularité du vignettage très large s’en charge et confère aux images une puissance évocatrice qui rappelle l’ardeur de la chasse.

Hallali, Claire Malary © Editions L’Oeuf

La forêt entre espoir et angoisse

La femme s’engouffre dans la forêt dans l’espoir d’échapper à ses poursuivants en se cachant derrière les arbres, et en même temps elle s’y blesse à cause du terrain accidenté. L’homme se sert de la forêt pour se dissimuler, observer et tirer sur la biche, sans voir qu’il est lui-même la proie des loups tapis derrière ces mêmes arbres… La forêt est également inquiétante et semée d’embûches, elle les ralentit dans leur fuite jusqu’au moment où chacun d’eux en sort pour se retrouver face à son destin. 

Si ce roman graphique n’a pas de bulles, deux phrases viennent ponctuer la fin de l’ouvrage et éclairer le sens de cette fable qui fait référence au harcèlement et à la violence faite aux femmes. La femme sort du bâtiment égratignée, on comprend alors qu’elle a été maltraitée et son inadéquation avec la forêt semble renforcer cette idée qu’elle est menacée de toutes parts. Sa robe est représentée de telle manière qu’on a l’impression d’un collage sur le corps de cette femme et non plus d’un dessin, comme pour montrer qu’elle est hors de son environnement, qu’elle n’appartient pas à ce monde. Les couleurs très criardes de sa robe et de sa chevelure rousse attirent l’attention sur elle, attention dont elle ne veut pas. Mais son « extravagance » et les tons froids et pastels de la forêt en contraste font d’elle une victime désignée. Elle court, pense échapper à ceux qui la poursuivent mais jamais tout à fait si bien qu’à la fin, elle se retrouve agressée dans son intimité. Dans l’histoire de l’homme, le.la lecteur.ice est témoin du bourreau lui-même devenu victime. Dans cette histoire en noir et blanc, c’est clairement la loi du plus fort qui domine, le plus puissant harasse le plus faible et l’histoire en noir et blanc est finalement autant celle de la biche que celle de l’homme…

Hallali, Claire Malary © Editions L’Oeuf

Le livre se termine avec une poésie incroyable et une abstraction qui ouvre vers un imaginaire à construire ainsi qu’une fin ouverte dans laquelle le destin des personnages vraiment importants de cette histoire converge…

Hallali, un album de Claire Malary (2019, Editions L’Oeuf).

Article rédigé par Jérémy Engler.

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