Des corps qui évoluent dans des décors déstructurés, des musiciens sublimés et des concerts plus sonores que si vous y étiez, aujourd’hui l’Envolée Culturelle a enfilé ses plus belles Dr. Martens pour aller à la rencontre de la photographe lyonnaise Lucile Thoron. Elle nous parle de ses clichés et de son amour de la musique qui l’inspire à chaque instant. (Bannière : © Lucile Thoron)
- Peux-tu nous expliquer ton parcours, qu’est ce qui t’as amenée à la photographie ?
À la base, je voulais faire du cinéma, j’aimais beaucoup ça, j’ai pris l’option au lycée, j’étais persuadée que j’allais en faire mon métier, mais la première année de fac ne m’a pas plu du tout, donc j’ai vite arrêté. Après j’ai eu pleins d’idées… J’ai d’abord voulu être fleuriste ! Je suis allée jusqu’à m’inscrire en BTS, je cherchais une alternance avec un fleuriste, et au dernier moment, quand je me connecte sur le site de mon BTS, je vois qu’il ont une section photographie, c’est apparu comme ça. J’ai tout laissé tombé du jour au lendemain, je savais que c’était ce que je voulais faire : j’ai dû trouver un photographe en urgence qui acceptait de me prendre comme apprentie, j’ai appelé tous les photographes à Nîmes et tous les villages alentours, par miracle, quelqu’un m’a prise. C’était super, je passais deux semaine à l’école à apprendre toute la technique et la théorie de l’art photographique et je mettais tout ça en pratique dans la boutique, c’était très complet et formateur. Après l’école, je suis montée directement à Lyon, et j’ai trouvée une boutique photo comme celle où j’avais fait mon stage. J’ai eu de la chance, parce que c’est tellement rare aujourd’hui. J’y travaille toujours et à côté je fais mes photos !

- Qu’est-ce que tu utilises comme matériel ?
Le Nikon D7200. J’ai deux objectifs, mais celui que j’utilise le plus c’est un 50mm. C’est un objectif assez basique et le moins cher, mais en fait, on a rarement besoin de plus, c’est un objectif fixe : tu peux tout photographier avec, c’est très polyvalent. Je fais principalement des photos numériques, essentiellement en fait. J’adore l’argentique mais je ne pense pas avoir assez de maîtrise, et puis maintenant on peut tellement tout faire avec le numérique, c’est même drôle de voir à quel point on essaie de reproduire l’image argentique en numérique.
- Qu’est-ce qui t’a attirée dans la photographie et les images en général ?
J’adore la photographie, mais comme je t’ai dit, mon premier amour, c’est le cinéma, et je crois que c’est principalement parce qu’on peut marier l’image à la musique. Il y a quelque chose qui me fascine la-dedans, de faire communiquer le son et l’image, et créer quelque chose de grandiose. Les meilleurs scènes pour moi c’est celles qui sont accompagnées d’une musique. Je crois que c’est ce que j’essaie de faire dans la photographie, trouver la musique, l’ambiance musicale de chaque cliché. Comme si je pouvais essayer de retranscrire le son. Ça peut passer par la lumière, ou même les costumes de mes modèles, je ne sais pas si j’y arrive, mais en tout cas je tends vraiment à ce résultat. Mais définitivement, je pense que je reviendrai un jour vers le cinéma, ce médium me passionne toujours autant. Les créateurs d’ambiance au cinéma, ce sont les chef.fe.s opérateur.ice.s (ndlr : aussi appelés directeur.ice.s de la photographie), ce sont mes héros, c’est un travail très intéressant et il y a beaucoup de choses à prendre en compte.

- Sur ton site, on peut voir principalement des portraits et des photographies de concerts, qu’est ce qui te passionne dans ces deux “styles” de photographies ?
Encore une fois, l’esthétique. J’adore photographier les gens, en faire leur portrait, qui sera toujours différent en fonction de leur personnalités… C’est assez fascinant d’imaginer tout un univers autour d’eux. Après, j’avoue que j’ai du mal à m’empêcher d’y mettre un petit esprit rock qui est très personnel. Parce que ce que j’aime par dessus tout, c’est photographier des concerts et des musiciens. C’est juste génial. Bon, après, photographier des concerts, c’est accepter de ne pas être maître de ta photo. Il y a beaucoup trop d’imprévus, à commencer par la lumière ! Du coup j’entretiens des relations très étranges avec les ingénieurs lumière, en un sens. Parfois je les aime très fort, parfois je les maudis profondément (rires). Je me suis déjà retrouvée dans une salle complètement noire avec un tout petit projecteur bleu, un enfer. Et parfois, c’est grâce à lui que tu as la plus belle photo de la soirée, finalement, on travaille ensemble, mais sans vraiment se parler, c’est amusant !
- C’est intéressant de voir que la photographie de concert, c’est finalement le “style” de photographie sur lequel tu as le moins d’emprise. C’est ça qui te plait ?
C’est sûr que tu ne peux pas contrôler grand chose, à part le cadre et le moment où tu appuies sur le déclencheur. Je peux difficilement arrêter le concert pour demander au guitariste de refaire son saut (rires). C’est assez stressant, en fait. Les concerts que je fais en tant que photographes, ce sont ceux où j’écoute le moins la musique, tellement je suis concentrée sur mes photos, être au bon endroit au bon moment pour avoir le meilleur angle. Et puis il y a le public, pas toujours conciliant avec nous. Finalement, c’est presque du sport, tu dois te battre pour trouver le meilleur point d’auteur.
- “Point d’auteur” c’est joli ! Tu as des exemples ?
La scène du Groom, par exemple, je l’adore, parce qu’il y a un escalier sur le côté, sur lequel je peux monter, j’adore prendre des photos là-bas, avis aux autres salles lyonnaises, si vous pouvez toutes faire ça je serais aux anges (rires).

- Quel est ton rapport aux logiciels de retouches ?
C’est un outil artistique très important, sur mes photos, je dirais que que le travail artistique est 50% à la prise de vue, 50% sur le logiciel. J’aime énormément travailler mes photos. En fait, c’est comme si j’essayais de la réussir le mieux possible à la première étape, la prise de vue, et qu’une fois sur logiciel, j’essayais de la détruire le plus possible ! Je regarde ma photo et je me dis “comment est-ce que je vais pouvoir l’abîmer, quels outils vais-je utiliser ?”. Ça leur donne un sens complètement différent.
- Est-ce qu’il y a des photographes qui t’ont influencés dans ton travail ?
Il y en a beaucoup. Si je devais choisir, je dirais Francesca Woodman, une photographe américaine des années 70 : elle a une histoire personnelle très sombre je crois, mais l’ambiance de ses photos est incroyable, elle faisait beaucoup d’autoportraits, et ce sont toujours des idées plutôt simples mais toujours extrêmement bien réalisées, avec un travail de texture, de lumière, de cadre qui me fascine. On dirait des tableaux tellement c’est réfléchi !
Du côté de la photo de musicien, mon modèle, c’est l’américaine Pooneh Ghana, qui photographie presque tous les groupes de rock du moment. Je l’adore. Elle leur fait leur photos de concert, ou leur portrait, mais avec une esthétique tellement personnelle et originale, ça m’inspire.
- Et pour finir, quels sont tes projets futurs ?
Travailler davantage avec des musiciens, je pense. J’aime vraiment photographier ce milieu, les ambiances, les instruments. Et continuer les concerts aussi. Je pense que je vais me focaliser sur ça !
Retrouvez le travail de Lucile Thoron ici.
Propos recueillis par Ambre Bouillot