« Il me semble que c’est l’heure de vivre ». Pour parcourir humus, sentiers battus, nouveaux chemins ou encore feuilles sauvages pour reconquérir un territoire perdu et encore libre, la forêt, Zone à étendre, texte de Mariette Navarro, mis en scène par Judith Gaillard et joué par le Collectif Le Bourdon, vous attend du 29 janvier au 2 février au Théâtre des Clochards Célestes. Foulez ces frontières sans plus attendre ! (Bannière : © Collectif Le Bourdon)
Zone à étendre, zone à défendre
Lorsque l’être humain s’ennuie, souffre, meurt à petit feu dans cette immense forteresse gloutonne que nous nommons ville, il part. Un groupe d’inconnus, ou serait-ce des amis, s’enfuit. Ils sont équipés. Ils veulent laisser derrière eux toute la vie qu’ils ont bâtie, faute d’avoir des moyens pour réaliser pleinement leur bonheur. Ils étouffent. Alors, chargés comme des bœufs avec leur sac de randonnée, ils sont sur les traces de la forêt, d’un autre monde si proche et pourtant si lointain. Et, lorsqu’il la rencontre, elle bouge. En vérité, c’est cette forêt, réminiscence de Macbeth, qui marche. Elle est entièrement vivante. Sa sève est un sang humain. Ses feuilles s’étendent progressivement. Elle n’a besoin de personne. Elle a ses règles. Elle écrase de sa splendeur ce petit groupe empli de doutes et nouant pourtant une amitié naissante. Alors, si ces voix perdues dans le noir n’ont pas les mêmes raisons pour cheminer à travers ces dédales, elles s’unissent pourtant pour atteindre ce point d’orgue, ce « nombre d’or », « la spirale de l’escargot » qu’ils appellent Clairière. Retour à des origines sacrées et hypothétiques teinté d’une réflexion environnementale évidente… La Clairière, ce village imprenable plongé dans la luxuriance, est manifestement une zone à défendre. Dernier rempart avant que « le renard » ne dévore les ventres, elle devient un lieu de dialogues, d’échanges, de mise en commun des ressources, de construction et de reconstruction de cabanes, comme un état de nature après la mauvaise histoire de Rousseau, de trocs, de baptême de nom naturel, d’entraide, enfin un système alternatif dans une nouvelle meute qui ne semble point apercevoir la reproduction sociale entrer dans le poulailler…

« C’était encore la forêt. »
Réflexion éthique sur des lits de mousse, Zone à étendre est un franc succès. Son choix de mise en scène et d’accessoires, de sons et lumières ingénieux et rafraîchissants accompagnés de chant et d’histoires au coin du feu ou dans la pénombre sauront vous convaincre avec un jeu d’acteurs à l’image de madrépores : tantôt agité, tantôt serein avec une justesse impeccable. Ainsi, il s’agit d’interroger les racines de notre vie quotidienne, notre rapport à l’autre, planter des graines dans notre tête pour des changements qui sans doute sont voués à reproduire un système insidieux implanté dans un homme depuis bien des siècles. Sans doute. Ou alors, existe une autre solution alternative et radicalement différente. Ou, encore une autre hypothèse : une communauté qui n’a de cesse d’imiter maladroitement une nature trop mystérieuse et trop imprenable. Celle qui aura le dernier mot, c’est encore et toujours la forêt…

Nous remercions le Collectif Le Bourdon : Judith Gaillard, Elsa Galassi, Marianne Peuch-Lestrade, Yves Peyrard, Camille Prieux, Nell Senaillet, Thomas Viricel et Alan Vigouroux.
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Article rédigé par Pauline Khalifa (Lika)