Après avoir mis en avant cette forme un peu bizarre du théâtre-conférence avec les Cartographies de Frédéric Ferrer la saison passée, le Théâtre Nouvelle Génération remet le couvert les 29 et 30 janvier ! Et cette fois-ci, c’est Sofia Teillet qui nous fait rire et penser. Son principal objet ? L’orchidée. Son prisme d’étude ? La sexualité. Le titre de la conférence-spectacle ? « De la sexualité des orchidées » ! (bannière : © TNG)
Interroger les apparences
Voir dans certaines fleurs la forme de nos organes génitaux n’est pas chose rare. Le parallèle entre l’orchidée et la vulve est assez courant, le rappel de l’étymologie d’ »orchidée » aussi d’ailleurs – le nom vient du grec ancien, órkhis, qui signifie « testicule » –, et ce n’est pas pour rien que le pois bleu s’appelle aussi fleur clitoris, ou clitoria ternatea, autre information toujours utile à connaître pour briller lors de vos soirées mondaines. Figurez-vous que les apparences ne sont ni fortuites, ni trompeuses, et que les noms de ces deux fleurs ne sont pas complètement arbitraires. En effet, si vous vous rappelez de vos anciens cours de SVT, vous le savez déjà, et si vous écoutez Sofia Teillet vous allez l’apprendre, ou le réapprendre si vous l’aviez oublié : la fleur EST le sexe du végétal. Les majuscules non plus ne sont pas fortuites, Sofia Teillet elle-même insiste bien sur ce point. A partir de ce constat, l’actrice-conférencière nous fait également remarquer combien il est alors étrange, voire gênant parfois, d’offrir des fleurs à quelqu’un…à moins que ce ne soit à dessein !
Digresser à tâtons
S’ensuit alors une petit histoire de l’évolution de l’orchidée, une évolution sur quatre-vingt trois millions d’années, qui fait de cette fleur, et de ses milliers de variétés, l’une des espèces les plus sophistiquées en matière de reproduction. De digression en digression, on apprend beaucoup sur la sexualité végétale, comme l’on s’y attendait, mais aussi sur le règne animal, et sur d’autres domaines que la sexualité. Saviez-vous qu’une certaine espèce de lézard se nourrit des régurgitations des bébés goélands ? Ou bien que la baudroie des abysses femelle, le poisson effrayant dans Nemo, vit avec un mâle accroché à elle et pour qui elle est la condition de sa survie ? Et que le mâle baudroie se trouve alors réduit à n’être qu’une petite « paire de couilles » plantée dans le corps de la baudroie femelle ? Cherchant le rapport avec la sexualité de l’orchidée, même si vous riez, vous êtes sans doute perplexes. C’est compréhensible. En fait, De la sexualité des orchidées est un work in progress qui se modifie et s’enfle des nouvelles interrogations de Sofia Teillet, et de nouvelles digressions. D’où le sentiment, par moment, de confusion.

Se poser des questions
Alors oui, ce spectacle-conférence est plaisant, dynamique, drôle, et instructif, mais parfois on se demande à quoi elles mènent, toutes ces réflexions. Le fait que les gousses de vanille soient fécondées à la main depuis leur implantation à la Réunion est-il seulement un fun fact historique ou bien est-ce une manière de nous faire comprendre l’impact des activités humaines sur l’ensemble du vivant ? Il s’agit certainement d’un mélange des deux, mais l’épisode paraît trop anecdotique pour nous faire franchement penser à la deuxième possibilité. Alors on ne sait pas, et on se demande, de manière un peu anthropocentrée peut-être, où est la place de l’humain là-dedans, et ce que l’on peut tirer des propos de Sofia Teillet. C’est à la fin du spectacle qu’un parallèle se dessine, mais à traits un peu forcés. L’orchidée a pour but principal affiché de féconder et d’être fécondée. Pour cela, elle expose sa fleur – son sexe, donc – à la vue de tou·te·s. Êtres humains, nous exposons nos pensées à la vue ou aux oreilles de tou·te·s. Ces pensées logent vraisemblablement dans notre cerveau qui lui-même se situe dans notre tête, partie du corps que nous exposons le plus. Ne sommes-nous pas finalement des orchidées voulant féconder les autres de nos pensées tout en voulant être fécondé·e·s des leurs ? Cette comparaison paraît un peu bizarre, surtout lorsqu’elle tombe pour ainsi dire sans transition à la fin du spectacle. Alors on n’est jamais content·e, on se dit qu’on aurait peut-être préféré ne pas être témoin·te de ce lâcher d’analogie, alors qu’on s’est interrogé·e sur sa propre place dans ce spectacle quelques minutes auparavant… Avec un peu de recul, on aura l’occasion de réfléchir sur ce parallèle final. Après tout, pourquoi pas ?
De la sexualité des orchidées de Sofia Teillet, au Théâtre Nouvelle Génération – Les Ateliers les 29 et 30 janvier 2020.
Article rédigé par Alice Boucherie