Avoir la nausée, avoir peur dans un contexte où nous pensons avoir tout vu, tout vécu, de se faire maître et possesseur de la nature pour finalement retomber dans une catastrophe incommensurable, ne sont que de mauvais rêves. Et, le 10 janvier, si nous sommes tombés dans les cendres, nous avons embrassé le renouveau avec Cell-0. Cell-0 est le neuvième-album d’Apocalyptica, notre cher groupe finlandais de quartette arborant longues crinières, allures classiques, heavy metal et gothiques. Un panachage à écouter sans rechigner. Ce dernier album instrumental, apocalyptique et futuriste, est d’un genre cinglant et coupant à l’image de l’archet qui passe et repasse sur les violoncelles. En bref : Cell-0 fait ses preuves. (Bannière : © Apocalyptica)
« Ashes to ashes »
Apocalyptica est connu pour ses reprises des morceaux de Metallica avec Plays Metallica by four cellos, avec Enter Sandman, Fade to Black sublime et profond, Nothing Else Matters aux teintes courtoises, mais aussi pour ses propres créations que nous saluons toujours par une écoute régulière, 7th Symphony, hommage moderne et paradoxal à Beethoven dans des clips gloomy, hétéroclites, décalés, des amas de dentelles imposants et incongrus aux côtés de Lacey Sturm, ex-chanteuse de Flyleaf, Brent Smith ou encore Gavin Rossdale. On met nos écouteurs pour des morceaux de bravoure comme At the Gates of Manala, Not Strong Enough puissant, Broken Pieces et Beautiful qui ponctuent encore la petite playlist que vous pouvez dédier sans plus attendre à ce groupe. Puis, deuxième album, à nos yeux, incontournable, Worlds Collide avec S.O.S, I’m Not Jesus et I Don’t Care pour réveiller en vous ténacité, courage et ruse. Pourquoi, alors, dans la poétique musicale d’Apocalyptica, revenir d’une part à des morceaux entièrement instrumentaux, alors qu’auparavant, depuis plusieurs albums, il mêlait voix invitées à leurs vedettes violoncelles ? D’autre part, comment renouveler un style à saccades, cette pâte qui fait que vous bondissez de votre fauteuil, écouteurs sur les oreilles, sans même vérifier qu’il s’agit d’Apocalyptica qui crache dans votre playlist, ce style qui façonne dans une même constellation désespoir et régénération d’un monde moderne en sursis ?

Un engagement musical
« Cell-0 represents the core of everything. For us it is a particle that symbolizes the essence of all. That is to say, where everything comes from and where everything ends up… » (Eicca Toppinen) (Cell-0 représente le noyau de toute chose. Pour nous, c’est une particule qui symbolise l’essence de tout. C’est-à-dire, là où toute chose provient et là où toute chose s’arrête.)
Les réponses sont apportées par l’un de ses membres. En effet, Cell-0 s’inspire de cette origine, de cette vie qui fleurit puis meurt dans l’ordre des choses, de cette essence de l’univers fondée sur l’équilibre et le déséquilibre par principe antithétique et nécessaire. Tout cela insufflé à cet album. Honneur à la création, à la naissance des sentiments, à la musique comme pansement face à la séparation et à la violence canalisée et ineffable, Cell-0 est un hommage à l’invention et à la réconciliation. Voilà le défi que les membres ont décidé de relever : dépasser leurs limites, explorer les facettes de leur violoncelle, faire en sorte que chaque note de leur instrument soit semblable à ces étoiles qu’ils ont eu la chance de contempler dans ce processus de création de l’album. Rages, ignorance, espérance, contrition et plus généralement aveuglement sont cultivés par le groupe pour décrire une humanité en manque de repère, une humanité perdue dans une immense quête de savoir soldée sur la destruction du monde qu’il croyait connaître. La tragédie de Cell-0 serait ainsi cette envie de détourner le regard, de prêter attention à autre chose au point où nous conduisons ce que nous aimons à une mort assurée, aux Ashes Of The Modern World. Visuellement, vous observerez cette magnifique couverture sur laquelle vous trouverez l’instrument de prédilection d’Apocalyptica, le violoncelle, qui, posé sur des vagues sombres ou du sable noir, semble imploser en morceaux sombres tel de l’onyx. Vous l’avez compris : esthétique et musique riment avec engagement environnemental et social.

En Route To Mayhem
Pas de panique. Le portrait n’est pas si sombre. Si Cell-0 annonce ce point de retour à l’origine, au 0 harmonieux, au tout, au rien, au commencement, à la fin, aux fondements de la vie et de la mort, il commence très fort avec Ashes Of The Modern World. Vous noterez, dans des cascades de mélodies et de notes d’une finesse et d’une ténuité époustouflante, une promesse en une régénération. Rise propose un clip de dégradés de roses, de noirs, de forêts, de champs et de fleurs dans un univers incongru. Rise, pour vous dire que si tout n’est pas tout rose, il existe toujours des moyens de lutter contre l’ignorance anxiogène qui pèse sur le genre humain. Le violoncelle devient cet outil d’exploration, cette palette aux mille et une couleurs. Neuf morceaux vous attendent. Ils sont tous à couper le souffle. Ashes Of The Modern World balaie des ruines pour vous aider à tout reconstruire autrement. Cell-0, l’homonyme, grince et s’agite. Rise vous invite à renaître. En Route To Mayhem pour un retour à la mutilation ; Call My Name sonde l’inconnu. Fire & Ice, notre favorite, pour renouer avec un côté chamanique et traditionnel. Et, enfin, nos trois derniers morceaux que nous adorons, Scream For The Silent, Catharsis and Beyond The Stars afin de créer et de faire fleurir ce quelque chose dont nous ne nous lasserons jamais. Un peu d’amour, de vie et d’art.
Article rédigé par Pauline Khalifa (Lika)