Violentes

Du 16 au 18 janvier, le Théâtre Kantor de l’ENS de Lyon va avoir du mal à contenir les assauts des seize interprètes de Violentes, un spectacle créé par Alice Beuzelin, Gnous·se Francfort, Alice Perrier, Joséphine Villeroy et Elise Zhong. Prêt·e·s à se faire péter les genoux ? Allez, c’est parti. (image mise en avant : © emoi_cb)

© Bérénice Bohic

Toile

Seize personnes ayant chacune deux aiguilles à tricoter. Trente-deux aiguilles, trente-deux armes potentielles. D’ailleurs parmi les petits groupes qui se constituent sur scène quand entre le public, certains jouent à l’escrime avec et font semblant de se blesser. Qui sont ces seize personnes ? Des « faiseuses d’anges » ? On aime à penser qu’elles avortent le patriarcat. Qu’elles avortent cette idée fausse et nauséabonde d’une douceur essentiellement et exclusivement féminine. Qu’elles avortent des hommes – les ordures d’abord – aussi bien qu’elles les pendent, ou du moins qu’elles prévoient de les pendre.

Les corps et les voix se touchent, s’accrochent et se tissent pour former un chœur. Un chœur en colère. Un chœur violent. Et féminin. Ce n’est pas incompatible, bien au contraire. Entre une petite fille qui défonce un garçon qui s’est moqué d’elle à l’école, des cours de self-défense, et des récits de meurtres, de viols, d’agressions perpétrées par des femmes, nous ne pouvons pas croire une seule seconde que la violence n’est que l’apanage ou le privilège des hommes. L’histoire et la mythologie recèlent un grand nombre de criminelles : Médée, les sœurs Papin, « etc, etc, etc » répètent en boucle les seize interprètes. La liste de ces femmes est longue, et continue de s’allonger. Et ce chœur d’araignées en fait partie. Elles préparent une corde, sortent une arme et la pointent sur nous, tissent des toiles à travers la scène pour prendre au piège. Elles endorment notre méfiance en dansant et en chantant…« Cell Block tango », la chanson des tueuses dans Chicago. Oups. Elles cousent récits, fantasmes, citations de textes d’autrices telles que Monique Wittig ou Txus García, et se relaient pour faire tourner un rouet, au grincement continu, qui rassemble tout en pelotes prêtes à être brutalement déroulées.

© Bérénice Bohic

Corps

Colère et cri. On rassemble souvent ces deux mots ensemble sous un rapport de causalité. On est en colère donc on crie ; on crie, donc on est en colère. Certes. Mais cette colère, c’est dans le corps qu’elle s’inscrit. Et dans Violentes, il y a du corps. Des corps. Des corps éreintés suite à un intense match de basket, à un cours de self défense où les parties dans lesquelles frapper sont désignées par des boxeuses-hôtesses de l’air en collants fluo, ou à une séance de Gym Tonic où Véronique et Davina donnent des coups de genou en conseillant de penser à son mec. Des corps à demi nus rassemblés et formant un front – femen prêtes à lutter –, ou bien imbriqués les uns dans les autres autour de Médée. Des corps mobiles, mouvants, dansants qui dans leur sabbat nous hypnotisent et nous invitent à les rejoindre.

La violence ne vient pas de la peur, donc. Elle vient de la colère. Celle qui surgit quand on est insultée à l’école, quand on est agressée peu importe où l’on aille, et que l’impunité est totale, que ce soit « l’impunité de la blanchité » ou l’impunité de tout homme, quel qu’il soit, dont la violence est à peine remarquée sinon encouragée. Celle qui nous submerge et que nous ne voulons pas contenir, parce qu’après tout, pourquoi se contenir ? Pour être bien douces ? Peuh ! Non merci. La douceur n’est pas consubstantielle aux femmes, certaines vous brisent les côtes quand elles vous font un câlin. Et puis, vouloir pendre et conduire au bûcher les héritiers et perpétuateurs de siècles de violences, ça vous étonne ?

NOUS LES FOLLES ON VIENT EN MASSE

NOUS LES FOLLES ON S’AIGUISE LES ONGLES

ET VLAN

ON T’ÉCORCHE LES JOUES

ON TE CRACHE A LA FACE

(Txus García)

Vous voilà prévenu·e·s.

Article rédigé par Alice Boucherie.

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